Notre vision du monde qui nous entoure est fortement tributaire des représentations, souvent inconscientes, que nous nous en faisons. Que ce soit à travers les mots que nous employons pour le décrire ou à travers les images, les cartes, les gravures qui tentent de le reproduire.
L’histoire de la cartographie a connu une accélération importante à la renaissance. À partir du XVIe siècle, les Grandes Découvertes obligent l’Occident à modifier sa conception de la terre. Avec la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb (1492) et le contournement de l’Afrique par Vasco de Gama (1497-1499), l’horizon européen s’élargit brusquement. De nouveaux continents apparaissent et doivent trouver leur place sur les anciennes cartes qui s’arrêtaient alors au sud du Sahara et aux limites de la Chine.
La cartographie a également un but politique, on représente les possessions, on délimite les terres, mais on peut aussi s’en servir pour des visées stratégiques et militaires. Elle devient donc un enjeu majeur.
A la même époque, l’imprimerie permet de reproduire facilement et rapidement ces représentations du monde. Mais les Grandes Découvertes ont prouvé que la terre était ronde, savoir que possédaient déjà les Grecs mais qui avait été oublié pendant des siècles. Il faut donc trouver une manière de représenter une surface courbe sur un support plat : la carte… et ce n’est pas toujours simple. Ce n’est qu’en 1569 que Mercator propose une première projection qui respecte les distances et qui est encore la plus utilisée de nos jours.
Nous ne nous étonnerons donc pas si les représentations qui sont dressées, à l’époque, de l’Ardenne, ne sont pas encore très fidèles. En 1558, par exemple, un imprimeur romain dresse une « Nouvelle et vraie description de la Gaule Belgique ». C’est ainsi qu’apparaissent, au milieu d’une Ardenne mal esquissée, faite de bois et de collines disparates, quelques villes que nous connaissons bien. Nous sommes encore loin des relevés topographiques modernes.
En 1619, nous voyons apparaitre un peu plus de détails sur une carte destinée à indiquer les possessions du duché de Luxembourg (Luxenburgicus Ducatus), et c’est au cœur d’une zone défrichée que quelques villages de notre commune sont repris dans une graphie ancienne (ou erronée, la précision des cartes anciennes n’étant pas infaillible) : nous retrouvons facilement La Mal Maison, ou Saint
Lez, mais nous devons nous concentrer un peu plus pour reconnaitre Wisembe ou Faitville (Fauvillers)…
La carte est orientée vers l’est, nous rappelant au passage que les conventions que nous connaissons – à savoir l’Europe au centre et en haut de la carte – n’ont pas toujours été la norme et correspondent aussi à une vision politique du monde.
En 1705, c’est au coin d’une carte du Duché du Luxembourg toujours, en quatre parties cette fois et bien plus détaillée, grâce au travail du cartographe Alexis-Hubert Jaillot, que notre commune se dévoile dans sa totalité, les treize villages apparaissent alors pour la première fois ensemble. Les limites en jaune, comme l’indique également la carte suivante, publiée à Bruxelles en 1727, sont celles des seigneuries. À cette époque, la commune dépend essentiellement du Prévôté de Bastogne, à l’exception de Strainchamps qui appartient à la seigneurie d’Assenois et de Tintange qui relève de celle de Bondorf, ainsi que de Fauvillers et Wisembach qui sont repris dans les territoires du Prévôté d’Arlon.
Ces cartes nous rappellent combien notre vision du monde, apprise depuis tout petits sur les bancs de l’école, n’a pas toujours été une évidence. À l’heure des relevés par satellite, nous oublions qu’il y a quelques générations seulement, il n’était pas simple de se faire une représentation de notre environnement, même de notre environnement proche.
Sources :
- gallica.bnf.fr
- « L’Europe dessine le monde » in Les cahiers de science et vie, février 2017, n° 167.
- Jerry Brotton, Cartes d’exception. 3500 ans de représentation du monde, GEO.
Pour le cercle d’Histoire,
Roger Kauffmann, Hans Welens, Nicolas Stilmant.