III. Jules César est-il venu dans notre région ?
L’antiquité

Jules César conquiert la Gaule, alors peuplée par les Gaulois, entre 58 et 51 av. J.-C. C’est son successeur, Auguste, qui proclamera l’empire romain en 27 av. J.-C.
Il est très difficile de savoir avec certitude si Jules César est passé précisément par notre région. À l’époque, le peuple gaulois qui habite nos contrées est le peuple des Trévires, dont la capitale est à Trêves, aujourd’hui située en Allemagne. Les Trévires ne s’opposent pas aux Romains et envoient même leurs cavaliers les aider. Jules César n’a sans doute pas dû s’enfoncer dans la forêt ardennaise, mais il la décrit quand même et dit qu’elle s’étend sur une immense étendue… depuis le Rhin jusqu’aux frontières des Rêmes, c’est-à-dire jusqu’à la Meuse.
IV. Les Gaulois ont-ils disparu après l’arrivée des Romains ?
Quand les Romains arrivent, il y a déjà beaucoup de monde en Gaule. Les Celtes sont très nombreux et les Romains n’envoient que des militaires ou des marchands. D’ailleurs, ils s’installent principalement le long des voies de communication et n’entrent pas dans les campagnes, qui restent fortement peuplées par des Gaulois.
Mais les Romains détiennent le pouvoir et les richesses, pendant 400 ans ! Ils vont donc peu à peu imposer leur langue et leur culture, qui va se mélanger (se métisser) avec celle des Gaulois.
D’ailleurs, en français aujourd’hui, nous avons encore 150 mots d’origine gauloise, souvent en lien avec la ruralité comme alouette, mouton, bouc, blaireau, truie, corbeau, bouleau, bruyère, béret, charrue, sillon, crème, jante, charpente, talus, boue, lande, berge, quai…
Les Gaulois comptaient par 20 et non pas, comme nous, par 10… Cependant, n’avons-nous pas gardé parfois l’habitude de compter par 20 ?
Petite énigme : Ruche (< rusca : mot gaulois latinisé) et miel (< mel : mot latin). Pourquoi, d’après toi ?
Nous avons gardé l’habitude de compter par 20 quand nous disons quatre-vingts, d’ailleurs les Français, avec des chiffres comme soixante-quinze ou quatre-vingt-treize, ont conservé encore plus que nous cette habitude. Parfois, nous comptons encore les centaines comme cela : seize cents ou quatorze cents…
Petite énigme : à la campagne, on parlait le gaulois, notamment quand on s’occupait de ses abeilles dans la ruche (< rusca : mot gaulois latinisé). Par contre, quand on se rendait en ville pour vendre le miel (< mel : mot latin), on parlait latin avec les acheteurs romains.
Du latin, langue indo-européenne qui s’est répandue grâce aux conquêtes romaines, vont naitre les langues romanes : le français bien sûr, l’italien, l’espagnol, le portugais, le roumain, le catalan, le rhéto-frioulan, le sarde, l’occitan, le dalmate (disparu).
Le berceau du français correspond au territoire actuel de la France, du sud de la Belgique et de l’est de la Suisse. Avant la conquête romaine, ce territoire est occupé par plusieurs peuples, chacun avec sa langue. Outre le gaulois, relativement uniforme malgré quelques variations régionales, on compte trois autres langues ou groupes de langues. L’ibère, langue pré-indo-européenne parlée sur une partie du territoire de l’Espagne actuelle et sur une petite partie de la côte méditerranéenne française. Les parlers ligures, parlés par les peuples habitant le sud de la France. Et le grec, parlé aux alentours de la colonie de Marseille (Massalia). De ces trois langues, le français n’a guère gardé que des noms de lieux.
Ex : Grenoble < Gratianus, Gratien, un empereur romain d’Occident du IVe siècle + polis, du grec qui signifie « ville ».
Argelos < Argailo, nom de personne gaulois + suffixe ibère oss.
La latinisation se fera à des rythmes différents. Dès 125 av. J.-C., le sud de la France est sous contrôle romain. Les Grecs de Marseille font en effet appel à la protection romaine contre les pirates ligures qui attaquent leurs bateaux de commerce. Encouragés par le développement économique de cette région, beaucoup de Romains s’y installent, ils sont plus de 200 000 au 1er siècle après J.-C. Ce qui assure une latinisation rapide du sud de la France, qui sera également rapidement considéré comme une province romaine.
C’est Jules César, entre 58 et 51 av. J.-C., qui conquit le reste de ce territoire, occupé par les Gaulois. La latinisation y sera plus lente. La Gaule est très densément peuplée et les Romains sont peu nombreux. Ce sont les échanges incessants avec Rome, la capitale de l’empire, pendant quatre siècles, notamment pour des raisons administratives ou commerciales, qui vont peu à peu diffuser le latin. C’est aussi l’attrait de la culture romaine sur les élites gauloises.
Le français actuel compte encore environ 150 mots d’origine gauloise. Ces mots concernent surtout le vocabulaire quotidien, celui de la maison et de la campagne. Ex. : alouette, mouton, bouc, blaireau, truie, corbeau, bouleau, bruyère, béret, charrue, sillon, crème, jante, charpente, talus, boue, lande, berge, quai…
On a également gardé du gaulois des traces de leur manière de compter, qui reposait sur des vingtaines et non des dizaines. Par exemple, quatre-vingts. Ou encore, ce fameux hôpital parisien fondé au Moyen Age et qui était alors capable d’accueillir trois-cents patients, qui est aujourd’hui encore appelé les « Quinze-Vingts ».
Remarque : Ruche (< rusca : mot gaulois latinisé) et miel (< mel : mot latin). Pourquoi, d’après vous ?
On a longtemps cru que le gaulois avait disparu assez rapidement, il semblerait aujourd’hui qu’une situation de bilinguisme se soit maintenue pendant de longues années, voire quelques siècles. On pensait également que c’était la christianisation de ces régions qui avait facilité l’apprentissage du latin. Or ce serait plutôt la connaissance du latin qui aurait facilité la christianisation de ces régions. En effet, on remarque que les chrétiens utilisent un latin populaire, loin du latin classique, pour la traduction des textes sacrés et l’évangélisation des foules. Ce choix ne s’explique que si c’est ce latin que parle le peuple, sinon choisir un latin plus populaire est un risque de se discréditer auprès des élites. Ce qui ne signifie pas que le christianisme n’ait pas influencé la langue : le latin d’église apporte avec lui des termes grecs (prêtre < presbyter, martyr < martyr, catholique < catholicus, grec latinisé) ou même hébreux ou araméens (pâques < pascha, messie < messia, amen, hosanna, alleluia).
Source : Frédéric Duval, Alain Rey et Gilles Sioufi, Mille ans de langue française. Histoire d’une passion, Paris, Perrin, 2007.
V. Quelles traces les Romains ont-ils laissées dans notre commune ?
Notre commune était traversée par la voie romaine Arlon-Tongres, qui traversait la forêt d’Anlier, arrivait sur Wisembach, remontait le Dahl, longeait la N4, puis repartait vers la Strange. Elle est encore connue sous le nom de Vieux Pavé.
Les Romains s’installaient dans de grandes propriétés agricoles, qui couvraient parfois la taille d’un village. On appelait ces propriétés des villas, elles ont perduré pendant des siècles et ont parfois été reprises par des colons d’origine germanique, lorsqu’à partir du 4e siècle, des peuples d’origine allemande ont commencé à traverser le Rhin et à s’installer dans l’empire romain.
On en compte plusieurs dans notre commune, elles ont sans doute donné naissance aux villages tels que nous les connaissons aujourd’hui.
À Fauvillers, derrière la maison rurale, se trouvait la villa du Hahnebour, qui a été fouillée en 1872 par l’abbé Sulbout. Il y a trouvé de grandes salles, un système de chauffage (hypocauste) et d’eau courante (aqueduc). Ce qui montre que cela devait être une riche propriété. Il y a d’ailleurs retrouvé la tête d’une statue dédiée à la déesse Fortuna.
Entre Traquebois et Bodange, une villa aurait été perchée sur le sommet de la vallée, d’après l’abbé Sulbout. Ce serait la villa de la Voge. Aucune fouille n’est encore venue confirmer cette information.
À Bodange, au lieu-dit Alt Schass, « le vieux château », s’élevait sans doute un fortin ou une tour de garde de l’époque romaine, sûrement destinée à surveiller la voie romaine qui passait à l’est du village.
À Wisembach, il y aurait eu au moins une villa soit à la Rameschberg, le long de la voie du tram vers Radelange, soit sur le haut du village, dans la forêt, à la Choque.
À Tintange, il y a trois tumulus, sans doute d’origine romaine, sur la route de Surré, ainsi que des indices indiquant la présence d’une villa ou de bâtiments romains, sur la route de Grumelange, à Œil.
À Menufontaine, une villa se serait installée au « clos Burnet » en surplomb de la vallée.
Plusieurs termes étaient utilisés pour désigner des domaines : « villa » en latin, qui a donné les noms en « -ville » ou « -villers » ; « Ingen » qui désigne une propriété dans les parlers germaniques et qui a donné les noms en « -ange » ; ou encore « hoven », la ferme dans ces mêmes parlers, qui a donné un nom de village en « -on ».

Retrouve le nom du village, sur base du personnage ou du lieu qui est à son origine.
Voici les 13 villages à retrouver :
Bodange, Burnon, Fauvillers, Hollange, Honville, Hotte, Malmaison, Menufontaine, Sainlez, Strainchamps, Tintange, Warnach, Wisembach.
1. La propriété dans la vallée : | ………………………… |
2. La villa sur le sommet : | ………………………… |
3. La propriété de « Bodo » ou la vacherie : | ………………………… |
4. Le ruisseau dans la prairie : | ………………………… |
5. Le hêtre isolé ou les hêtres : | ………………………… |
6. La villa de Hotto : | ………………………… |
7. La propriété de Tinto : | ………………………… |
8. La petite fontaine ou village des Hommes : | ………………………… |
9. La villa du hêtre ou la villa de « Feitus » : | ………………………… |
10. La ferme de la fontaine : | ………………………… |
11. Le lieu pierreux ou la maison sur les hauteurs : | ………………………… |
12. La maison des malades ou le relais : | ………………………… |
13. Le champ de la Sûre ou le champ de la Strange : | ………………………… |
- Hollange : hol ou holl dans les parlers germaniques (teuton) désigne le creux, la cavité ; le suffixe ingen ou ange désigne la propriété ou la maison.
- Honville : hon dans les parlers germaniques désigne une situation élevée, il signifie « haut ».
- Bodange : Bod vient du nom propre Bodo, qui désigne un propriétaire
terrien ; une autre hypothèse relie le village à la racine Biev, « la vacherie », de buvou bu, « la vache ».
- Wisembach : le nom du village vient de l’allemand wies, « la prairie » et de bach, « le ruisseau », cela colle très bien à la situation du village et c’est aussi le nom d’un ruisseau qui le traverse, la Wisbich.
- Sainlez : le nom du village vient de l’allemand sanner, dérivé de sonner qui désigne un hêtre isolé, ce qui explique le nom du village en 1624, Senlez les Hesses.
- Hotte : Hotto devait être un des fondateurs du village ou un propriétaire de domaine, à moins que le nom ne vienne de Ha ou hat, en moyen allemand, qui signifie « haut ».
- Tintange : Tint est le diminutif de Tinto, un propriétaire terrien, et le suffixe germanique ingen ou angedésigne le domaine.
- Menufontaine : en français, une menue fontaine est une « petite » fontaine ; une autre hypothèse rattacherait le nom au germanique Mondorf où mon ou man désigne « l’homme » et dorf, « le village ».
- Fauvillers : Feitweiler en allemand désigne « la villa de Feitus », un riche propriétaire terrien qui aurait donné son nom au village ; une autre étymologie rattache le nom à « Fagus », le hêtre en latin.
- Burnon : d’origine celte et germanique, Bur ou bour (comme dans Hahnebour ou Misbour) désigne la fontaine, On dérive de hoven, « la ferme ».
- Warnach : la racine d’origine celte war signifie « sur » ou « au-dessus »
et nach désigne la demeure ; si le nom dérive de karnacus, où karn désigne la pierre ou la roche, il faut plutôt y voir « le lieu pierreux ».
- Malmaison : le nom du village, qui était situé le long de la voie romaine Arlon-Tongres, désigne soit une maladrerie, soit – d’après l’abbé Sulbout – un relais, une mala mansio en latin.
- Strainchamps : le nom du village serait une contraction de Strange-champs. Le nom allemand est Sauerfeld, soit « le champ de la Sûre ».
VI. Découvre-t-on encore des vestiges aujourd’hui dans notre commune ?
Oui, récemment, lors du début du chantier de construction de cinq éoliennes entre Warnach et Strainchamps, les fouilles préalables ont permis de découvrir deux puits à Warnach, le long de la Nationale 4.
On sait que la voie romaine passait à cet endroit.
Ces deux puits sont la preuve qu’un village était installé à cet endroit. Mais attention, les deux puits n’avaient pas la même utilité. Le premier permettait de puiser de l’eau, alors que le deuxième servait de toilettes ! C’est ce que les Romains appelaient des latrines.